L'Albatros n°4 : Patrimoine(s) - Lettres Histoire Géographie en Lycée Professionnel

L’Albatros n°4 : Patrimoine(s)

, par Franck Lecarpentier, animateur du site disciplinaire

Edito

« Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés » écrivait Machiavel à l’époque moderne. Si ce 4ème numéro de la revue l’Albatros, n’a pas pour ambition de prévoir l’avenir, les collègues du pôle de compétences numérique vous proposent d’explorer la thématique du patrimoine pour éclairer notre monde contemporain. Vous trouverez dans ce numéro des articles aussi bien pour travailler en classe à partir du patrimoine local que pour réfléchir aux nouveaux aspects de « patrimonialisation » (jeux vidéo, place des femmes …) En vous souhaitant une bonne lecture,

Isabelle FIRA Inspectrice, académie de Normandie
Rédaction

• sous la direction d’Isabelle FIRA, IEN Lettres-Histoire
• Pôle de Compétences Disciplinaires normand : Emmanuelle LAMY-DIONIS, Anaïs LEBOURGEOIS, Marc LIENAFA, Aurore LULKA, Margaux MALINGRE-PERTOLDI, Stéphane MONNIER, Wandrille PENNA, Morgane ROUBY-RICHARD, Jérôme SAUTIER, Youri TINARD.


Géographie


Le(s) patrimoine(s) normand(s) : Facteur(s) d’attractivité de touristes internationaux

Le programme de la classe 2nde professionnelle prescrit de travailler le thème de la circulation croissante mais diverse des personnes à l’échelle mondiale notamment par l’étude des circulations liées aux pratiques touristiques.
couverture Normandie tourisme

La région Normandie, est la 8ème région française en termes d’offres d’hébergement et de nuitées. Si elle accueille chaque année environ 75% de touristes domestiques, 25% des personnes accueillies individuellement ou en groupes sont des touristes étrangers. A travers cet article, nous vous proposons une actualisation des données touristiques, une proposition de croquis simple, et des mises en lien possibles avec nos programmes. Pour répondre aux différentes questions, nous avons choisi de nous appuyer sur les chiffres clés de 2019, les plus récents disponibles et hors impact du contexte sanitaire liée à la pandémie (covid) qui a modifié, au moins ponctuellement, les pratiques et les circulations.

Source : Normandie tourisme, 2000

D’où viennent les principaux flux touristiques captés par la région normande ?

Sans surprise, parmi les visiteurs, dans le top 10 des nationalités nous retrouvons tout d’abord les voisins immédiats (avec dans l’ordre Néerlandais, Britanniques, Belges, Allemands, Italiens, Suisses, Espagnols, … Russes), mais aussi des visiteurs venus des autres aires de puissances (des États-Unis et du Japon). Comme dans l’organisation du tourisme mondial, cela s’explique tout d’abord par les proximités géographiques, économiques, des modes et des de vies, et des cultures.


Quels sont les territoires qui captent ces flux ?

La Normandie connait un tourisme littoral, rural et urbain. C’est le Calvados qui, de loin, capte la plus grande partie de ces flux, devant la Manche et la Seine-Maritime qui comptabilisent 2 fois moins de nuitées que le Calvados, et L’Eure et l’Orne qui en comptabilisent 10 fois moins.

Quelles infrastructures innovantes jouent le rôle de portes d’entrée sur le territoire normand ?

Les aéroports internationaux parisiens (CDG, Orly, Paris-Beauvais) et les gares parisiennes constituent une connexion de premier rang au territoire normand. Mais ce n’est pas la seule. Les aéroports normands (Deauville-Normandie et Caen-Carpiquet) sont eux des infrastructures de tailles très secondaires. Le port maritime transmanche de Caen-Ouistreham et le port de croisière du Havre sont des points d’entrées importants et comptabilisent plus de 2,5 millions de passagers en 2019 à eux deux. Plus loin derrière on trouve le port maritime de Cherbourg et les ports de croisière d’Honfleur et de Rouen. Par son réseau routier, la Normandie est également complètement intégrée au réseau européen.


Quelles infrastructures d’accueil sont privilégiées ?

La majeure partie des nuitées passées en Normandie se concentrent sur le littoral de la Côte Fleurie en premier lieu, mais aussi sur la Côte d’Albâtre et sur la pointe du Cotentin. L’hôtellerie de plein air (camping) et l’hôtellerie classique sont les structures dominant l’offre d’hébergement. Cette offre est complétée également par les meublés, les résidences de tourisme et les chambres d’hôtes. On notera que les Néerlandais consomment davantage l’hôtellerie de plein air et les Britanniques l’hôtellerie dite classique.


Quelles sont les ressources patrimoniales normandes qui attirent l’essentiel de ces flux de touristes ?

Loin devant, ce sont les sites et lieux de mémoire qui écrasent le classement des sites fréquentés en 2019 avec le cimetière américain d’Omaha Beach (>1,7 millions de visiteurs), la Pointe du Hoc (>1 million de visiteurs), le Mémorial de Caen (>466 000), le cimetière militaire allemand (>465 000 visiteurs), le Visitor Center du cimetière américain de Colleville (>419 000) et Arromanches 360° (>300 000). Si les chiffres de l’année 2019 ont été « boostés » par le 75e anniversaire du débarquement et les manifestations organisées à cette occasion, la tendance plaçant ces sites en tête des sites visités reste une constante. En seconde place, on trouve les sites patrimoniaux religieux avec le Mont-Saint-Michel et son Abbaye (>2,5 millions de visiteurs), la Basilique de Lisieux (>800 000), et l’église Jeanne d’Arc de Rouen (>234 000).

En troisième place, on trouve les musées avec La Tapisserie de Bayeux (>411 000) ou la Cité de la mer de Cherbourg-Octeville (>211 000), mais aussi avec les musées des Beaux-arts que sont les musées des impressionnistes de Giverny (>157 000), le Musée d’art moderne André Malraux du Havre (>114 000) ou encore les musées des Beaux-arts de Caen ou de Rouen.
En quatrième place, on trouve les parcs et jardins avec la maison de Claude Monet à Giverny (>700 000), La Colline aux oiseaux de Caen (>419 000), Les jardins suspendus du Havre et les jardins des plantes de Caen et de Rouen.
Les parcs animaliers se placent en cinquième place.
Enfin, juste derrière, en dessous de 4% des fréquentations pour chacun des thèmes/catégories suivants, on trouve : les châteaux et sites remarquables, les parcs de loisirs, les sites techniques et industriels, les muséums d’histoire naturelle, les écomusées, les villes et villages pittoresques, les sites et musées archéologiques. On notera, que les données disponibles ne permettent pas de mesurer avec autant de précision l’attractivité des patrimoines paysagers comme les plages et littoraux spécifiques (ex : Étretat, la vallée de Seine), comme les paysages urbains (ex : Le Havre ville classée au patrimoine de l’Unesco ou encore comme les quartiers médiévaux de Rouen). Par ailleurs, si l’on réunit la fréquentation de l’Église Jeanne d’Arc et celle de l’Historial Jeanne d’Arc à Rouen, on dépasse les 300 000 visiteurs (ce qui était notre critère pour identifier les sites majeurs), et replace Rouen dans le peloton de tête.


Comment cartographier de façon simple ces informations concernant les flux touristiques et les patrimoines les plus attractifs ? Quel croquis construire ?

Nous vous proposons ci-dessous un croquis possible :

source : Stéphane Monnier, Lettres-Histoire, académie de Normandie. Croquis réalisé à partir des données de Normandie tourisme de 2019, production réalisée avec IGN-Edugéo 2022.

Qu’en est-il de la situation à l’échelle locale ?

Un exemple : quelles sont les nationalités et les pratiques touristiques en lien avec le patrimoine qui motivent la venue des touristes internationaux à Rouen ?

Nous pouvons préciser que l’église Jeanne d’Arc de Rouen n’est pas loin d’entrer dans le top onze des sites les plus visités en Normandie avec 235 000 visiteurs en 2019. Dans leur mobilité, les touristes visitant la métropole normande la rejoignent depuis Paris et Beauvais comme portes d’entrée aéroportuaires, par le train (gare de Rouen), par le car (Avenue Champlain), ou encore en automobile, ou même à vélo. L’exemple du territoire rouennais métropolitain pourrait lui aussi faire l’objet d’un croquis. On notera que les chiffres disponibles ne distinguent pas toujours la fréquentation par les touristes domestiques et par les touristes internationaux.


Quelles sont les pistes de liens possibles avec nos programmes ?

En dehors du travail sur la compréhension et la description d’une situation géographique, sur la mise en place d’activités de cartographie et de croquis, cette entrée par les thèmes croisés du tourisme et du patrimoine peut être l’occasion de mener des activités de réflexion et de débat sur l’aménagement des territoires (infrastructures et mises en valeur).

Un exemple normand d’aménagement du territoire :
La Colline aux oiseaux (Caen).

Ce territoire d’anciennes carrières de 17 ha, devient par décret municipal un lieu de dépôt et stockage des détritus. En 1964, une usine de traitement des déchets y est installée. En 1972, l’usine de traitement est délocalisée et modernisée, il est alors décidé de reconvertir ce territoire et de le transformer en parc paysager. L’inauguration du parc floral a lieu en 1994. En 2009, y sont introduits des animaux. En 2019, une roseraie est créée et le site reçoit cette année-là 419 000 visiteurs.

La place des innovations numériques :
Les sites et réseaux sociaux sont très consultés et sont des outils de promotion et d’organisation du tourisme normand. Les sites touristiques normands anglophones sont les plus importants et représentent 22% des consultations. Ensuite on trouve, les sites à destination des touristes néerlandais, allemands, italiens, et espagnols.
La consultation des vidéos touristiques hébergées sur le site Youtube ou sur Facebook comptabilisent entre un et 10 millions de vues. Le site Pro Normandie tourisme, Instagram et Twitter comptent des centaines de milliers de consultations et d’abonnées en 2019.

Bibliographie/Sitographie

• Géographie du tourisme et des loisirs (dynamiques, acteurs, territoires), Philippe Duhamel, Armand Colin, 2018

• Le tourisme, lectures géographiques, La documentation photographique, Philippe Duhamel, N°8094, 2013.

https://pronormandietourisme.fr/wp-content/uploads/2020/08/Normandie-Tourisme-Chiffres-cles-2019.pdf

https://www.metropole-rouen-normandie.fr/les-indicateurs-touristiques

https://www.rouentourisme.com/

https://www.seine-maritime-attractivite.com/fr/investir-simplanter/projets-touristiques

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/le-debarquement-de-1944-memoire-et-tourisme

https://www.memoirenormande.fr/


Le patrimoine mondial face aux risques : défendre l’intérêt des PPR

Thème :
Les sociétés et les risques : anticiper, réagir, se coordonner et s’adapter

Niveau / classe :
Terminale Baccalauréat Professionnel

Capacités mobilisées :
 Rechercher des informations dans un ensemble de documents fournis
 Rechercher des informations dans un ensemble de documents fournis
 analyser le traitement médiatique d’un aléa ou d’un risque et dégager les limites de ce traitement
 Présenter à l’écrit et rendre à l’oral, de manière synthétique, les informations (carte mentale)
 construire collectivement un argumentaire présentant l’intérêt d’un plan de prévention des risques.
 Utiliser les TICE et les outils de l’ENT

Présentation de l’activité :

Le patrimoine est une composante majeure de l’identité des peuples à travers le monde. Ce patrimoine qu’il soit culturel, naturel, industriel… est fragile. Il est confronté à des risques multiples, naturels et technologiques, politiques, terroristes… Il faut donc réfléchir à le protéger en amont de la catastrophe. Je voulais donc amener les élèves à réfléchir à la fois sur la question du patrimoine mais aussi sur tous les acteurs et les actions possibles pour préserver ce patrimoine mondial. Les élèves sont répartis par groupe de 2 et étudient un corpus documentaire de natures variées (articles, carte, document audio ou vidéo, sites internet institutionnels…) lié à un élément de patrimoine mondial et les risques voire catastrophes qui sont associés.

Objectif : Réaliser un argumentaire présentant l’intérêt d’un plan de prévention des risques. Une mise en situation leur est imposée : « Vous êtes envoyés par l’Unesco pour présenter aux acteurs de « votre patrimoine en charge » l’intérêt d’un plan de prévention des risques. » Cet argumentaire devra être réalisé sous la forme d’une lettre adressée aux différents acteurs.

Place dans la séquence, démarche pélagique et volume horaire :
Cette séquence a été réalisée après la séquence de géographie sur les ressources, où il leur avait déjà été demandé de réaliser une carte mentale sur un aménagement du territoire précis à partir d’un corpus documentaire et de réaliser un oral. Après une première séance introductive « étude de cas » d’environ 2 heures, où nous avons notamment pu voir ou revoir les notions du thème (risques, aléas, PPR…), cette séance arrive dans un second temps.

Il faut noter aussi que les « règles » de la lettre ont été travaillées en AP orientation dans les semaines précédentes (Parcoursup).
Normalement, chaque groupe devait, en plus de réaliser sa lettre, réaliser un petit oral de présentation de leurs recherches. Mais par manque de temps, la présentation orale du thème de chaque groupe s’est faite par un enregistrement audio sur l’ENT et a été mise en accès libre à tous les membres de la classe. Les élèves devaient donc, en autonomie, aller écouter les podcasts de leurs camarades pour étudier tous les thèmes. Les cartes mentales réalisées ont été aussi mises en accès libre pour l’ensemble de la classe.
En passant par l’enregistrement cela m’a fait gagner au moins deux heures, mais j’ai tout de même pu les évaluer à l’oral et les élèves avaient un accès illimité aux réalisations des autres camarades.

Prolongement possible

Pour une mise en situation différente à l’oral, et sortir de l’oral « type exposé » il est tout à fait possible de garder le travail mais de mettre les élèves en situation d’une émission radio. Les élèves doivent réaliser un reportage sur la protection du patrimoine mondial.

Déroulement de l’activité :

Les consignes :

  • L’objectif :
    « De plus en plus de sites du patrimoine mondial sont en danger. Ces dangers sont multiples (liés à l’homme ou à la nature). L’UNESCO prend la question très au sérieux et veut aider les acteurs locaux en réfléchissant à les protéger avant la catastrophe.
    Vous êtes donc un représentant envoyé par l’Unesco pour présenter aux acteurs de « votre patrimoine en charge » l’intérêt d’un plan de prévention des risques. Vous devez enquêter et analyser les risques auxquels est confronté votre patrimoine, afin de rédiger une lettre qui présente aux acteurs un argumentaire sur l’intérêt d’un plan de prévention des risques. »
  • Les outils
    A partir de votre corpus documentaire, vous réaliserez une carte mentale résumant toutes les informations apportées par le corpus et pouvant notamment vous aider à rédiger votre argumentaire : le type de patrimoine, les acteurs, les types de risques pouvant être rencontrés, les aléas, la localisation, les enjeux (économiques, sociaux, environnement...), les objectifs et limites du plan de prévention.
  • Les étapes
    • 1 Par groupe de deux choisir un thème : Venise : une ville menacée, Notre-Dame de Paris : un monument en feu, Les arènes de Nîmes : les pieds dans l’eau, Palmyre face à la guerre, Lacanaux : une commune en sursis, Colonne et sa bibliothèque sous la boue, La Californie brûle, La Normandie : terre d’accueil du nucléaire, Explosion au port de Beyrouth.
      Il serait possible d’ajouter le thème du nucléaire avec la guerre en Ukraine.
    • 2 Lire et analyser le corpus documentaire, afin de Présentez sous la forme d’une carte mentale l’aléa, l’enjeu et le risque ainsi que les acteurs de la prévention et leurs actions.
    • 3 Rédiger votre lettre présentant aux acteurs l’intérêt d’un PPR
    • 4 Réaliser une carte mentale à l’aide par exemple de l’outil intégré de l’ENT, résumant les éléments principaux
    • 5 Réaliser une lettre argumentative à l’attention des acteurs locaux sur l’intérêt d’un plan de prévention des risques.
    • 6 Présenter à l’oral vos recherches. (Réalisé par podcast finalement)

Un exemple de corpus documentaire fourni aux élèves :

Éléments communs à tous les groupes :
• Le site de l’UNESCO sur le patrimoine mondial : https://whc.unesco.org/fr/list/
• Le site Géorisques avec une mine d’informations :
https://www.georisques.gouv.fr/
• Le bouclier bleu : organisation pour la protection de patrimoine :
https://www.ica.org/fr/nos-initiatives-majeures/le-bouclier-bleu ou https://www.bouclier-bleu.fr/
• Un petit rappel pour les bases du Plan de Prévention des Risques :
https://www.finistere.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Risques-naturels-et-technologiques/Generalites/Un-outil-privilegie-le-Plan-de-Prevention-des-Risques-PPR
• Un exemple de prévention des risques : https://www.lemonde.fr/les-initiatives-du-japon/article/2018/03/15/la-prevention-des-risques-naturels-facteur-de-developpement_5271544_5271309.html
• Conférence mondiale sur les risques :
https://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/14/l-onu-cherche-a-prevenir-les-risques-naturels_4593520_3244.html

Exemples de documents pour un thème : Venise : une ville menacée
• Document explicatif :
https://lienss.univ-larochelle.fr/IMG/pdf/VS_J3_4_Dario_Camuffo.pdf
• Une vidéo : https://www.lemonde.fr/climat/video/2019/12/01/pourquoi-venise-risque-d-etre-engloutie_6021231_1652612.html
• Trop de monde… https://www.lesinrocks.com/actu/le-tourisme-est-il-en-train-de-tuer-venise-147964-08-06-2018/
https://www.venise1.com/venise-limite-ses-visiteurs-2022



Numalille : des propositions pour explorer le monde en classe !


Fig. 1
Le numéro des enseignants d’histoire-géo de Lille

Num@lille est une revue d’histoire-géographie rédigée par les professeurs de lycée et collège de l’Académie de Lille. L’équipe n’en est pas à son coup d’essai. Ici, (fig.1, à gauche), vous trouverez la première de couverture de leur onzième production.
Les articles font une large place à l’utilisation de Google Earth pour la création de ses propres cartes. En effet, il est possible de visiter les territoires du globe, puis d’en faire des zooms. L’intérêt est de montrer aux élèves ce qu’est une échelle de grandeur. L’élève peut aussi établir un trajet, collectionner les images récoltées.

Fig. 2

Il peut ensuite ordonner les images pour créer un récit s’appuyant sur ces documents. Il est également possible de comparer les cartes d’aujourd’hui avec celles connues au 18ème siècle par exemple. Les élèves voient ainsi comment le monde était dessiné auparavant.

D’autres articles reviennent sur des applications comme celles des jeux sérieux ou bien la création de cartes narratives. (Fig.2, à droite)
D’autres outils sont étudiés. Google Earth est déjà connu des élèves. Il semble le plus facile à utiliser en classe. On peut ainsi refaire le trajet de Christophe Colomb, visualiser les lieux de la Révolution Américaine pour en faire un diaporama ordonné... Ce numéro est une mine à explorer.


La patrimonialisation du jeu vidéo

Depuis plusieurs années maintenant, la patrimonialisation du jeu vidéo suscite réflexions, questionnements et débats. S’il y a la nécessité de s’interroger sur les particularités de cette patrimonialisation, il est aussi important d’en connaitre les mécanismes et les différents acteurs afin de saisir tous les enjeux.

La particularité d’un patrimoine très récent, qui peine à asseoir sa légitimité culturelle.

Si on se fie à la définition du site géoconfluence.fr, le « patrimoine est ce qui est perçu par une société comme étant digne d’intérêt et devant, de ce fait, être transmis aux générations futures, qu’il s’agisse d’un patrimoine historique (un monument, un site…), d’un patrimoine paysager (par exemple une forêt, un massif montagneux, une perspective urbaine) ou d’un patrimoine immatériel (une musique, une cuisine…) 1 » . On voit ici que le processus de patrimonialisation induit implicitement des valeurs, des critères et choix sociaux, voire culturels, qui varient au fur et à mesure des décennies, mais aussi en fonction des acteurs, notamment dans le secteur du jeu vidéo. Il est alors possible de préciser la définition apportée précédemment : « Elle [la patrimonialisation du jeu vidéo] peut être définie comme l’ensemble des démarches amenant l’usage, la conservation […] et/ou la collecte des objets ou des savoirs relatifs au passé des jeux vidéo et de l’informatique.2 »

Si les envies de conserver une trace de ce très jeune pan de la culture émerge en France dès les années 1990, c’est surtout à partir des années 2010 que la dynamique s’accélère autour de la reconnaissance puis de la constitution d’un patrimoine vidéoludique. Tout d’abord parce que les pratiques se sont démocratisées et la diffusion s’est accélérée dans les pays développés, avec la généralisation des consoles de salon notamment, qui deviennent plus accessibles économiquement. Ensuite, parce que l’univers vidéoludique s’inscrit désormais dans divers secteurs de la société : la culture (Frédérick Raynal et Michel Ancel, deux créateurs de jeux vidéo, deviennent Chevaliers dans l’ordre des Arts et des Lettres en 2006, contribuant à la reconnaissance du jeu vidéo comme pan de la culture), le marketing, la formation professionnelle ou encore l’éducation ; à tel point que des chercheurs évoquent une « gamification »3 de la société (ou « ludicisation » selon Sébastien Genvo4). Enfin, parce que le jeu vidéo n’est plus uniquement perçu comme un média ou un loisir néfaste aux conséquences dangereuses, car depuis les années 2000, il est étudié pour les pratiques sociales qu’il reflète ou encore pour sa dimension artistique.5 C’est pourquoi, entre autres, il est investi par la recherche universitaire à travers les Game studies.

Enjeux et acteurs de la patrimonialisation du jeu vidéo.

Même si le débat est loin d’être clos, il est légitime de penser qu’aujourd’hui le patrimoine vidéoludique est un patrimoine à part entière, poussé par la très puissante industrie du jeu vidéo. Se pose alors la question de ce qui fait l’objet d’une conservation de ce patrimoine : de quoi parle-t-on exactement quand il s’agit de conserver le patrimoine vidéoludique ? Qui en sont les acteurs ?
Les jeux vidéo, ce sont d’abord des contenus multimédias, électroniques, et qui sont donc soumis à une rapide obsolescence étant donné les évolutions constantes et rapides des technologies. Selon Hovig Ter Minassian, il existe aujourd’hui quatre approches explorées pour tenter malgré tout une conservation de qualité des jeux vidéo et contenus vidéoludiques :

  • l’approche muséologique : depuis les années 1990, les musées s’intéressent de manière croissante aux technologies numériques (notamment les jeux vidéo) « comme outils de conservation et de diffusion de la culture patrimoniale » , on s’intéresse à la machine qui permet de jouer au-delà du simple objet de collection que peut-être une console, un ordinateur ou une machine arcade par exemple. L’approche consiste donc à conserver pour « garantir l’accessibilité et l’usage » , et c’est celle qui est privilégiée par les acteurs associatifs, dont nous parlerons par la suite.
  • le transfert de contenu vers des supports plus récents ;
  • l’émulation : une machine va imiter, simuler le comportement d’une autre machine afin de pouvoir (re)donner vie à un jeu, ce qui constitue un moyen de conservation préventif. Cette approche présente quelques limites, comme celle de perdre le support originel d’un jeu, qui aura alors perdu sa jaquette et guide d’utilisation. En outre, changer de machine implique de bouleverser les sensations et techniques de jeu, ce que Benjamin Barbier compare à la lecture d’un « manuscrit médiéval numérisé sur Gallica, qui n’a rien à voir avec le fait d’avoir ce même manuscrit entre les mains. »
  • la description.
    On voit donc ici que la conservation des objets tels que les consoles de salon, les consoles individuelles, les bornes d’arcade est un enjeu fort, sous-entendant l’inutilité de conserver ces objets dans des vitrines. Ils doivent en effet pouvoir être mis à disposition pour recréer les conditions de jeu d’une époque. Cela pose évidemment la question de l’usure de ces objets, et donc de leur sauvegarde.

Ces enjeux autour de la façon de conserver le patrimoine vidéoludique impliquent différents acteurs, aux rôles variés. Le premier d’entre eux est l’acteur institutionnel. Depuis 1992, et la loi sur le dépôt légal9, la Bibliothèque nationale de France (BnF) a pour mission de collecter, répertorier, conserver et mettre à disposition tous les logiciels de jeu vidéo qui ont été édités ou distribués en France. En 2020, il y avait près de 17000 jeux vidéo composant ce fonds documentaire, avec l’objectif d’avoir toutes les éditions d’un même jeu (par exemple, une référence sortie sur PS4 et Xbox 360 sera conservée dans les deux formats d’édition). Et signe que la conservation de ce patrimoine y est prise très au sérieux, le fonds est géré par un conservateur, à l’heure actuelle Nicolas Lopez, et n’est consultable que sur demande, en justifiant d’une recherche (accès possible donc pour les chercheurs, étudiants ou encore journalistes). Toutefois, la Bnf rencontre quelques difficultés pour collecter toutes les références : les industriels montrent parfois un désintérêt pour la constitution de ce patrimoine (malgré l’obligation légale), voire des craintes quant au potentiel manque à gagner que représenterait la mise à disposition des jeux (un des arguments étant par exemple le risque accru de piratage). Les anciennes références sont aussi compliquées à regrouper, les éditeurs n’ayant plus forcément de stock. Enfin, le jeu indépendant, dont la grande partie de la production est dématérialisée, pose des questions de collecte et de conservation, et constitue un réel enjeu pour les années et décennies à venir.10
Les pouvoirs publics confirment, depuis une quinzaine d’années, un intérêt grandissant pour le patrimoine vidéoludique. Un discours prononcé en 2010 par Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, marque un tournant. Il y qualifie en effet, sans ambiguïté aucune, le vidéoludique comme étant un patrimoine à part entière, et énonce la nécessité de soutenir ce secteur culturellement et économiquement important : « Arrivé à un stade d’élaboration et de maturité technique et créative exceptionnels, le jeu vidéo - comme d’autres formes de création par l’image et le son, mérite donc toute l’attention du ministre de la culture et de la communication. C’est pourquoi j’estime que le temps est venu, d’une part d’encourager la conservation du patrimoine « vidéoludique », d’autre part de stimuler la création par un soutien adéquat aux entreprises, et enfin de renforcer la formation et l’éducation à ce média, qui peut constituer, j’en suis convaincu, un formidable vecteur d’exploration et de découverte. »11
Un autre acteur essentiel est le milieu associatif. Dans le domaine du jeu vidéo, l’association MO5.COM, située à Paris, qui a vu le jour en 1996, est la plus connue. Son action est triple : elle veut préserver, explorer et exposer. Elle dispose d’une collection importante, estimée à près de 60 000 pièces, et regroupant machines, logiciels, manuels et guides d’utilisation au format papier, etc ; qu’elle conserve dans le but que la création d’un musée national dédié au patrimoine numérique aboutisse. Elle est rejointe dans ce projet par deux autres associations, Silicium (créée en 1994, à Toulouse) et l’ACONIT (créée en 1985, à Grenoble). En 2016, une autre association a vu le jour, le Conservatoire National pour le Jeu Vidéo (CNJV), qui recueille, préserve et archive ce qu’elle appelle « les trésors du jeu vidéo », dans le but de faire connaitre toutes les évolutions que le secteur a vécues et vit encore.
Enfin, il y a des pratiques de joueurs amateurs qui ont contribué à leur manière à la conservation du patrimoine vidéoludique. Ces passionnés hackent par exemple les jeux sur leur support originel, et les transposent sur des supports numériques pouvant circuler facilement d’un joueur à l’autre, au moyen d’ordinateurs. Si la méthode n’est pas tout à fait légale, elle n’en reste pas moins une façon de « diffuser un patrimoine qui, pour une partie, serait devenu inaccessible […]. »12

Avec des acteurs tels que les associations ou les amateurs, regroupant des passionnés, on comprend que les pratiques de patrimonialisation peuvent être impulsées par une communauté : si nous avons convenu au début de cet article d’une définition du patrimoine vidéoludique, cette communauté peut être amenée à faire bouger les lignes et à déterminer ce qui est susceptible de devenir patrimoine. Car « ce sont parfois les usagers eux-mêmes qui sont à l’origine de la patrimonialisation de leurs biens. »13

Jeux vidéo et lycée professionnel : quelles perspectives pédagogiques ?
« The Rude Awakening - un voyage multimédia sur les traces de la vie quotidienne des soldats en première ligne »

Éric Allart, enseignant de lettres-histoire au lycée Mermoz de Vire,

a participé à la création du jeu vidéo « The Rude Awakening - un voyage multimédia sur les traces de la vie quotidienne des soldats en première ligne ».
Le projet, cofinancé par le programme MEDIA de l’Union européenne, vise à intégrer la technologie dans les expériences de visite

du musée grâce aux deux productions principales du projet : un jeu vidéo et une bande-annonce de ce jeu (disponible ici en anglais).
Le projet mobilise les outils numériques et le patrimoine historique et culturel européen, avec un focus sur la Première Guerre mondiale, notamment sur les témoignages et souvenirs de soldats.

Le résultat de ce projet pourrait donc être investi dans le cadre de la mise en œuvre du programme de Première Bac pro, avec le thème 2 « Guerres européennes, guerres mondiales, guerres totales (1914-1945) ».

Mooc HG8 : « Intégrer le jeu vidéo dans les classes d’histoire-géographie ».


Le pôle « Ludicisation, réalité augmentée, réalité virtuelle » de la Drane de la région académique Auvergne Rhône-Alpes propose un dispositif complet et détaillé d’accompagnement, afin de mettre en œuvre le jeu vidéo dans les cours d’histoire-géographie. Les détails du dispositif sont disponibles ici :
https://pedagogie.ac-clermont.fr/disciplines/histoire-geographie/wp-content/uploads/sites/3/2022/03/MoocHG8_ressources_mission_avancee.pdf
Les ressources mises à disposition permettent de traverser le programme du cycle de Bac pro, notamment ceux de Première et de Terminale en histoire, abordant les conflits mondiaux et la Guerre froide.

« Re-borne : la borne d’arcade recyclée », exemple de chef d’œuvre mettant à l’honneur le patrimoine vidéoludique.


Les élèves de Terminale Bac Pro Melec

et Vente du lycée Pierre de Coubertin de Lille
soutiendront en fin d’année leurs oraux de chef d’œuvre,
présentant le travail réalisé autour de la remise en marche d’une borne de jeu arcade.
Une fiche descriptive complète du projet est
disponible sur le site https://innovatheque-pub.education.gouv.fr/innovatheque/consultation-action/9416/nav-context?previousPage=search.

Les « serious games » : l’exemple de Minetest.

Minetest est un logiciel de jeu en ligne, version libre et gratuite du très connu MineCraft, dont le principe est de pouvoir modéliser un environnement à l’aide de cubes, afin de construire des bâtiments, changer la physionomie d’un territoire, simuler des phénomènes naturels, etc.
C’est donc un « serious game », ou jeu sérieux, c’est-à-dire une déclinaison de jeu vidéo au service d’objectifs pédagogiques.

Le site http://minetest.wp.ac-dijon.fr/decouvrir-minetest/ propose des ressources pour comprendre ce qu’est Minetest, et pouvoir le prendre en main en vue d’usages avec des élèves. Le site https://education.minecraft.net/fr-fr propose quant à lui de découvrir et de prendre en main MineCraft, et met à disposition des centaines de cours créés dans le monde entier, dans différentes matières et pour différents niveaux de classe.

Minetest permettant de télécharger des cartes IGN dans les univers créés (service « Minestest à la carte », d’ailleurs intégré à Edugéo), il est tout à fait possible d’imaginer des usages en géographie. Il est même possible grâce à la plateforme Kidscode de simuler des risques naturels (inondations, montée des eaux, etc), ce qui pourrait servir à la construction d’un
scénario pédagogique en lycée professionnel autour du thème 2 de la terminale Bac pro « Les sociétés et les risques : anticiper, réagir, se coordonner et s’adapter ».
Bibliographie :
• Hovig ter MINASSIAN, « Les jeux vidéo : un patrimoine culturel ? », Géographies et cultures, L’Harmattan, 2012.
• Benjamin BARBIER, « Jeux vidéo et patrimoine : une conservation amateur ? », Hybrid n°1, 2014.
• Samuel Coavoux, « Les jeux vidéo, un bien culturel ? », Médiamorphoses, n° 22, février 2008, consulté le 23 mars (URL : https://journals.openedition.org/lectures/5144 )
• Sivakavi Kumarasamy, « Outils pédagogiques innovants dans l’univers Minetest », Mappemonde, consulté le 22 mai 2022. (URL : http://journals.openedition.org/mappemonde/6343 )
• Anaïs HECTOR, Spécificités des logiques de patrimonialisation du jeu vidéo en France, mémoire soutenu en 2012, Université de Lorraine, dirigé par Sébastien Genvo (URL : http://www.expressivegame.com/wp-content/uploads/2019/01/Hector-anais_TER2012-1.pdf ).
• Mikael ROBERGE, De Minecraft à « mindcraft » - Comment effectuer le pont entre concepts quotidiens et concepts scientifiques dans des situations d’apprentissage utilisant un jeu vidéo, mémoire soutenu en juin 2015, Université de Sherbrooke (URL : https://core.ac.uk/download/pdf/51341168.pdf )

Sitographie :
http://www.omnsh.org/ressources/469/la-patrimonialisation-des-jeux-video-et-de-linformatique
https://www.bnf.fr/fr/agenda/une-histoire-du-jeu-video-en-france
https://mo5.com/site
https://www.cnjv.fr/le-cnjv/
https://normandie-macedoine.org/fr-fr/Actions/Action1Mémoireetpaix/le-projet-171-le-r233veil-brutal-187-vous-replonge-dans-lhistoire-avec-un-jeu-vid233o
https://pedagogie.ac-clermont.fr/disciplines/histoire-geographie/wp-content/uploads/sites/3/2022/03/MoocHG8_ressources_mission_avancee.pdf
https://innovatheque-pub.education.gouv.fr/innovatheque/consultation-action/9416/nav-context?previousPage=search

Médiagraphie :
• Vidéo Brut « À la BnF, dans la plus grande collection de jeux vidéo de France » https://www.youtube.com/watch?v=q3TwbUFs3fU)
• Vidéo « The Rude Awakening – An European project » https://vimeo.com/571161445
• Podcast « Un patrimoine à sauvegarder » https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/les-jeux-video-cest-la-vie-44-un-patrimoine-a-sauvegarder

Notes

1 - http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/patrimonialisation

2 - Dans Jean-Baptiste Clais, « La “patrimonialisation” des jeux vidéo et de l’informatique », disponible sur le site http://www.omnsh.org/spip.php?article63/
3 - Dans Les signaux numériques 2012, conférence disponible sur le site https://www.dailymotion.com/video/xpmfk4
4 - Dans Sébastien Genvo, « Penser les phénomènes de ludicisation à partir de Jacques Henriot », Sciences du jeu, 2013
5 - Hovig TER MINASSIAN, dans Géographie et cultures, n°82, 2012
6 - Hovig TER MINASSIAN, dans Géographie et cultures, n°82, 2012
7 - op. cit.
8 - Dans Benjamin BARBIER, « Patrimoines éphémères », revue Hybrid, 2014.
9 - La loi de 1992, appelé loi sur le dépôt légal, implique qu’à chaque sorti de livre, journal, disque ou jeu vidéo, un exemplaire soit transmis à la BNF pour classement et conservation.
10 - Propos de Nicolas Lopez, dans la vidéo « À la BnF, dans la plus grande collection de jeux vidéo de France ».
11 - Discours de Frédéric Mitterrand de Tourcoing, prononcé le 26 avril 2010, dont la version intégrale est disponible sur ce site : https://www.vie-publique.fr/discours/178871-declaration-de-m-frederic-mitterrand-ministre-de-la-culture-et-de-la-c
12 - Benjamin BARBIER, « Jeux vidéo et patrimoine : une conservation amateur ? », Hybrid n°1, 2014.
13 - Op. cit.




Histoire


Carte interactive et patrimoine local dans le Parc naturel régional des boucles de la Seine normande

L’un des objectifs stratégiques du Parc naturel régional des boucles de la Seine normande est de « préserver et protéger les patrimoines naturels et culturels dans une approche globale intégrée »1. À ce titre, il mène, en lien avec l’Inventaire général du patrimoine culturel de Normandie, des « inventaires croisés des patrimoines ». Le patrimoine recensé recouvre « le patrimoine paysager (haies, vergers…), le patrimoine culturel (bâtis agricoles, industriels…) et le patrimoine ethnologique » ou immatériel.

Les cartes interactives Au fil des patrimoines, mettent en valeur les données récoltées durant les inventaires.
Elles témoignent de la richesse des patrimoines rural, artisanal et industriel de la ville de Rives-en-Seine et dans une moindre mesure des communes de Yainville et du Trait.
Les éléments inventoriés et les notices associées rendent compte des « profondes transformations [du monde du travail] dans un contexte d’industrialisation, d’urbanisation, de développement de l’instruction publique »2.


L’ancienne gare de Yainville-Jumièges évoque l’architecture typique de celles qui sont nées durant le maillage ferroviaire de la France. Aujourd’hui désaffectée, elle témoigne de l’abandon des petites lignes au profit de l’automobile, symbole de l’augmentation du niveau de vie des Trente Glorieuses.

Enfin, la cité ouvrière Latham, à Saint-Wandrille-Rançon met en lumière l’urbanisation progressive de ces communes durant leur développement industriel3.


Le Parc met aussi en valeur une partie de ses collections en ligne sous l’angle de « la découverte du monde du travail ».


1 - Parc naturel régional des boucles de la Seine normande, Charte 2
2 - Programme d’histoire de classe de première professionnelle. Thème 1 : Hommes et femmes au travail en métropole et dans les colonies françaises (XIXe siècle-1ère moitié du XXe siècle)
3 - Voir sur ce sujet : Vaillant Antoine, « L’aventure industrielle et la construction d’une cité idéale en vallée de Seine XIXème siècle, première moitié du XXème siècle », L’Albatros n° 3, pp. 25 à 28.


Matrimoine : rendre les femmes visibles

L’émergence du matrimoine

La notion de matrimoine n’est pas un néologisme à la mode ; ce mot est attesté au Moyen Age pour désigner les biens hérités de la mère. Effacée au profit de l’adjectif matrimonial, sa réappropriation actuelle témoigne de la volonté de rendre les femmes visibles.
Puisque le patrimoine résulte de choix de société, se construit et se déconstruit au fil du temps, la patrimonialisation doit s’accompagner d’une matrimonialisation qui permette de redonner leur place aux femmes.
Lancées en 2015 en Ile-de-France, les Journées du matrimoine se développent en France pour mettre en valeur l’héritage des scientifiques, autrices, compositrices, sportives, peintres, … en leur redonnant corps et visibilité. En donnant d’autres modèles d’identification, il s’agit ainsi d’agir pour l’égalité entre les sexes.

Le constat de l’invisibilisation
Dans l’art et la culture
En rendant invisibles les œuvres de nombreuses créatrices, une partie de notre patrimoine culturel et artistique est oublié. Aucun domaine n’est épargné par cette mémoire sélective (architecture, musique, cinéma, écriture, …). Deux chiffres permettent de mesurer l’étendue de l’invisibilisation des femmes dans l’art et la culture :
• 0,78% des peintures du Louvre ont été réalisées par des femmes peintres ;
• 1% des œuvres classiques jouées en salle sont des pièces de compositrices1.
Cette mise à l’écart des femmes n’a pas forcément été conscientisée.

Les racines sont multiformes et recouvrent la déconsidération des artistes de leur vivant, le déni d’accès aux techniques et l’oubli posthume. Pour certaines disciplines, on peut remarquer que la sélection s’est faite a posteriori.
Dans l’histoire enseignée
L’analyse des manuels d’histoire du secondaire montre que les femmes restent sous-représentées et ne sont souvent évoquées que de façon marginale :
• 1,6% des biographies consacré à une femme ;
• 6,5% des auteurs de documents sont des femmes2.
Les écrivaines, les artistes ou les femmes politiques ont donc peu droit au chapitre et l’action des femmes est souvent passée sous silence, au profit des représentations de « la femme ».

Pistes pour valoriser le matrimoine en classe

Cartographier le matrimoine local
Il y a quelques années, la ville de Roubaix s’est intéressée au nom de ses rues : sur 600 recensées, une trentaine seulement portait des noms de femmes. À la suite, la mairie a créé une carte interactive de son matrimoine vouée à être complétée par la mémoire de chacun. Il s’agit de redécouvrir le parcours de celles qui ont marqué l’histoire roubaisienne ou française.

À l’image de ce projet, la création d’une carte interactive répertoriant les rues ou établissements publics au nom de femmes peut être l’occasion de découvrir des figures féminines locales et de s’interroger sur la place des femmes dans l’espace public et dans l’histoire.
Cette activité offre également aux élèves de nouvelles représentations pour évoluer avec des modèles d’identification égalitaires et mixtes.

Enseigner une histoire mixte
Réalisé à l’initiative de l’association Mnémosyne, le manuel d’histoire La place des femmes dans l’histoire. Une histoire mixte. nous propose un récit qui veut faire sortir les femmes de l’ombre.

« Ni geste héroïque au féminin, ni histoire victimaire, il présente le nuancier infini des relations entre hommes et femmes, rend compte de leurs actions respectives et s’interroge sur le sens que chaque société attribue au masculin et au féminin. »
Publié en conformité avec les programmes de la filière générale en 2010, certains chapitres correspondent aux actuels programmes du lycée professionnel.

Ces chapitres peuvent nourrir la réflexion pour enseigner une histoire mixte. Les dossiers comprennent des documents originaux accompagnés de pistes d’exploitation.

Bibliographie / Sitographie
• La place des femmes dans l’histoire. Une histoire mixte, G. Dermenjian, I. Jami, A. Rouquier, F. Thébaud (coord.), Belin, 2010

• L’invisibilisation des femmes dans l’art et la culture, tentatives de compréhension, ONUFemmes, Rachel Nullans, 13 juillet 2021, disponible sur https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2021/7/9/linvisibilisation-des-femmes-dans-lart-et-la-culture-tentatives-de-comprehension

• La place des femmes dans les manuels d’histoire du secondaire, Amandine Berton-Schmitt, IEP Grenoble, 2005, disponible sur https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/rapport-observatoire-femmes-manuels-dhistoire.pdf

• "Le matrimoine n’est pas un néologisme, mais un mot effacé par l’Histoire", Affaire en cours, France Culture, 29 janvier 2021, disponible sur https://www.franceculture.fr/emissions/affaire-en-cours/affaires-en-cours-du-vendredi-29-janvier-2021


Le patrimoine industriel normand

Le patrimoine industriel normand est riche et diversifié. Il représente des éléments matériels (usine, cheminée, cité-ouvrière) mais aussi immatériels (savoir-faire artisanal)
Selon les territoires, il se décline aujourd’hui en vestiges, en bâtiments en reconversion, en musées ou encore en entreprises faisant vivre un savoir-faire artisanal et ancestral.
La Normandie est en effet une des régions françaises où l’industrie est devenue florissante au cours des révolutions industrielles.
En effet, la première Révolution Industrielle en Haute-Normandie est essentiellement textile et se situe principalement sur l’axe de la vallée de la Seine : Le Havre importe le coton, Rouen est centre de négoce, et les filatures s’établissent essentiellement dans les vallées, utilisant la force motrice des rivières jusque vers 1860 (vallées du Cailly, de l’Austreberthe, du Robec et de l’Andelle).
La Normandie fut aussi le deuxième bassin d’exploitation de fer jusqu’à la révolution industrielle. Cheminée, forges se développèrent permettant ainsi la grande révolution de la métallurgie en Basse-Normandie et dans le Perche.

Ces encadrés sont un florilège de la richesse du patrimoine industriel normand.

Le musée de la Corderie Vallois

Dans la vallée de Cailly (au nord de Rouen), c’est sur l’emplacement des moulins médiévaux que se fixent, au début du XIXe siècle, la majorité des usines textiles. Succédant à « l’ère de moulins », « l’épopée du coton » va durer plus de deux siècles.
Dans cet article, des actions de sauvegarde et de valorisation du patrimoine industriel sont expliquées avec la création du musée de la corderie Vallois à Notre-Dame–de-Bondeville.
En savoir plus :
http://www.crahn.fr/uploads/publications/bulletins/La%20sauvegarde%20du%20patrimoine%20industriel.%20L%E2%80%99exemple%20de%20la%20vall%C3%A9e%20du%20Cailly%20(76)%20-%20CRAHN%202006.pdf

Cité-jardin des Rosiers à Caen

Cette cité est la première application
caennaise des dispositions de la loi du 30
novembre 1894en matière de soutien à
l’habitat ouvrier économique.
Conçue au départ sur le principe des maisons ouvrières,
elle répond au souci hygiéniste par la division en parcelles étroites permettant l’implantation d’un jardin potager.

Ancienne usine Tréfimétaux à Dives-sur-mer
L’usine est créée en 1891 par Pierre Secrétan. Outre les ateliers et les bureaux, le complexe comprend des bâtiments d’habitation destinés au personnel (ouvriers, contremaîtres) et au propriétaire.
L’usine ferme en 1986 et est détruite en 1989. Seul le bâtiment possédant le beffroi est conservé.
En savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_Tr%C3%A9fim%C3%A9taux
Usine Bohin à Saint-Sulpice-sur-Risle
Etablissements Bohin

Reconstruite en grande partie vers 1880
par Benjamin Bohin après un incendie,
cette tréfilerie d’aiguilles et d’épingles
avait pris sa véritable dimension industrielle
à partir de 1856. Il est le seul établissement
en pays d’Ouche à poursuivre une activité
traditionnelle de la région, déjà signalée au 18e siècle.

En savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manufacture_Bohin

Château d’eau-marégraphe Quai de Boisguilbert à Rouen
Il est construit à partir de 1885. Contrairement à

ce que son nom de « marégraphe » semble indiquer,
il ne s’agit pas alors de la fonction première
de cette construction, mais d’un dispositif
permettant de fournir de l’énergie hydraulique
au nouveau système de grues hydrauliques
du port de Rouen. C’est seulement
en 1893, qu’il sera équipé d’une horloge
et d’un marégraphe (instrument permettant
de mesurer le niveau de la mer à un endroit
donné sur une durée déterminée).

Ancienne teinturerie Auvray à Rouen
Les bâtiments de cette teinturerie ont été construits entre 1784 et 1787 par Jean-Baptiste-François Auvray, maître teinturier, qui l’a exploitée jusque vers 1825.

L’ensemble comprend également une grande maison de maître. Situés le long du Robec, les bâtiments se divisent sur trois niveaux en salles de lavage, de mordançage, de teinture, de séchage. Aujourd’hui, ce bâtiment accueille une auberge de jeunesse.
En savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Teinturerie_Auvray

Ancienne minoterie Lambolle à Aumale

A l’emplacement d’un moulin du Roy
sur la Bresle est construit vers 1850
un moulin transformé en minoterie à meule.
En 1898, Henri Lambotte la rachète
et l’équipe de machines à cylindres
utilisant l’électricité d’une turbine.
L’établissement fonctionne jusqu’en 1970.
Subsistent aujourd’hui la totalité du bâtiment,
en brique à armature métallique
sur quatre niveaux avec ses divisions,
et l’ensemble des machines
(une trentaine), aménagements
(colonnes à godets, trémies, silos, etc.)
et accessoires (outillage, petit mobilier).


L’habitat ouvrier issu de la révolution industrielle en Haute-Normandie et ses potentialités de réhabilitation
Dans cet article, Jean-Bernard Cremnitzer établit une méthodologie d’intervention sur les quartiers anciens de l’habitat ouvrier haut-normand à partir d’une connaissance précise du parc immobilier issu de la période 1830-1948.
En savoir plus :
https://monumentum.fr/filature-tissage-usine-appret-des-etoffes-laine-petou-puis-sevestre-puis-bellest-puis-bellest-clarenson-lebret-sa-puis-clarenson--pa00132696.html
Dans l’Eure,
le patrimoine industriel a été répertorié selon quatre grandes catégories.
En savoir plus :
https://www.eure.gouv.fr/content/download/16287/113185/file/128_Le%20patrimoine%20industriel%20de%20l
Filature, tissage et usine d’apprêt des étoffes de laine Petou, puis Bellest Clarenson et Lebret SA à Elbeuf
La construction de cette fabrique de drap de laine remonte au 18e siècle. Le bâtiment en pan de bois qui subsiste aujourd’hui, long de dix-huit travées, ne correspond qu’aux trois-quarts de l’édifice initial.

Au début du 19e siècle, pour les besoins de la production, l’atelier est surélevé d’un troisième étage et d’un grenier-étende. L’usine est alors la propriété de Georges-Paul Petou, manufacturier originaire de Louviers, qui devient maire d’Elbeuf en 1823.
En savoir plus :
https://monumentum.fr/filature-tissage-usine-appret-des-etoffes-laine-petou-puis-sevestre-puis-bellest-puis-bellest-clarenson-lebret-sa-puis-clarenson--pa00132696.html

Grues hydrauliques à Sotteville-Lès-Rouen

Les deux grues hydrauliques servaient à alimenter
en eau les chaudières de locomotives à vapeur
du réseau ouest jusqu’en 1968. Construites
en 1931 par les usines Chappée au Mans,
elles sont constituées d’un socle et d’une base
en fonte que surmonte une colonne terminée
par un assemblage en col-de-cygne.
L’ensemble pivote pour venir se placer
au dessus du réservoir du tender.


Etudier le patrimoine local en classe

Les usines de Navarre à Évreux

Le patrimoine industriel local présenté est un exemple de propositions d’activités que vous pouvez utiliser avec vos élèves.

Avant les usines
L’histoire de sa construction est liée au château de Navarre. Un premier château avait

été bâti en 1330 par Jeanne II de Navarre. Il fut reconstruit en 1686 par Jules Hardouin-Mansart pour Godefroy-Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon et comte d’Évreux.
En 1809, le château fut vendu aux enchères, Napoléon s’en rendit propriétaire. En 1810, après son divorce, il l’offrit en cadeau à l’Impératrice Joséphine, faite duchesse de Navarre, qui y fit quelques séjours car celui-ci était mal isolé. Le duc de Leuchtenberg, son petit-fils, autorisé par le Roi Louis-Philippe, vendit ce domaine en 1834 au marquis de Dauvet.
L’histoire des Usines de Navarre débute en 1834, lorsque le marquis acquiert l’ancien Duché de Navarre. Il est intéressé par la puissance hydraulique de la rivière qui traverse le domaine. L’industriel fait raser le château de Navarre, combler les pièces d’eau et crée la première « zone industrielle » ébroïcienne.

Une usine aux multiples facettes
Sont rapidement édifiés une usine de fabrication de zinc (dite usine amont) et un

moulin à papier. En 1841, Le marquis de Dauvet vend un terrain et une chute d’eau pour y installer une usine de quincaillerie. Un an plus tard est achevé le bâtiment aux Abeilles (emblème des usines et symbole de l’Empire).
En 1843, débute la production d’épingles, puis en 1860 celle de dés à coudre.
En 1864, l’usine amont est vendue pour être exploitée comme papeterie.
Il faut attendre 1871 pour voir la création de la « Société mutualiste
des Usines de Navarre ». En 1885, le nouveau propriétaire de
l’usine se débarrasse alors de tout le matériel de la papeterie.
Dix ans plus tard, Henry Fauchet reprend l’usine et l’oriente définitivement
vers la fonderie et la transformation du cuivre. C’est alors la
création de la « Société Anonyme des Usines de Navarre ».

HISTOIRE : rédiger un témoignage du quotidien ouvrier

Thème :
Hommes et femmes au travail en métropole et dans les colonies françaises (XIXe siècle-1ère moitié du XXe siècle)

Niveau / classe :
Première Baccalauréat Professionnel

Capacité mobilisée :
• Raconter individuellement ou collectivement le quotidien d’une femme ou d’un homme au travail au XIXe siècle ou dans la première moitié du XXe siècle à partir de recherches dans la région du lycée des élèves (écomusées, musées et patrimoine industriel, agricole, archives locales, mémoires orales et récits ouvriers par exemple).

  1. Les élèves peuvent effectuer des recherches sur les usines de Navarre à partir des archives locales en se rendant sur le site des archives municipales et départementales ou en les contactant.

    Les archives intercommunales mettent à votre disposition la base documentaire de son ensemble de fonds (doc. iconographiques, délibérations, plans, audiovisuel, bibliothèque et permis de construire)
    https://archives.epn-agglo.fr
    https://archives.eure.fr/search/home

  2. Les élèves rédigent un témoignage du quotidien d’une ouvrière ou d’un ouvrier travaillant au sein des usines de Navarre. Deux possibilités s’ouvrent à lui :
    • soit le fruit de leurs recherches au sein des archives municipales et départementales a permis de retrouver des témoignages d’anciens ouvriers ou d’anciennes ouvrières. L’élève peut rédiger un récapitulatif de ses témoignages en faisant ressortir les principales caractéristiques du travail ouvrier.
    • soit les recherches effectuées sont insuffisantes. L’élève peut imaginer le quotidien d’un ouvrier ou d’une ouvrière en s’aidant d’autres témoignages ou à partir de photographies.

Ressources en ligne complémentaires

Ces trois ressources en ligne sont une base de documentation sur la mémoire des ouvriers. Elles peuvent aussi servir à titre d’exemples.

Témoignages collectés (Dives sur Mer)

https://www.memoireouvriere.fr/t%C3%A9moignages/









Articles universitaires sur le travail des femmes (Normandie)

https://books.openedition.org/purh/4062

















Corpus documentaire

https://profhistoire.webnode.fr/la-condition-ouvri%C3%A8re-au-xixe-s-%3A-base-documentaire-et-conseils-pour-une-dissertation/


Enseignement Moral et Civique


Le rachat par la municipalité d’Evreux des usines de Navarre

Le premier thème d’EMC Première, « Égaux et fraternels », interroge la mise en œuvre de ces principes. Mais ces deux principes supposent reconnaissance et appropriation pour contribuer à la cohésion nationale. Ils existent aussi grâce à l’engagement des femmes et des hommes qui les portent.
L’étude de ce thème permet de mettre en relief les idéaux de la République française et l’effort constant pour les faire vivre au quotidien.

Les actions citoyennes au service d’un projet

L’association OCTAVE donne son point de vue sur le rachat des usines de Navarre par la municipalité
https://octavedevreuxetsesenvirons.wordpress.com/2014/10/20/evreux-les-usines-de-navarre-abandon-et-speculation/

La Ville et l’Agglomération d’Évreux ont invité les Ébroïciens à donner leur avis sur le devenir de l’ancienne fonderie du quartier de Navarre. Cet article met en valeur les réactions et les idées des citoyens ébroïciens sur le projet de rénovation.
https://www.paris-normandie.fr/id268522/article/2022-01-13/quoi-ressembleront-les-anciennes-usines-de-navarre-evreux

Propositions d’activité

• Identifier les acteurs de la politique d’aménagement d’un ancien site industriel
• Rédiger un courrier d’une association de citoyens sur le devenir d’un site industriel
• Participer à un projet de rénovation d’un ancien site industriel
A partir des plans des Usines de Navarre à l’échelle du site industriel, du quartier et de la ville, mais aussi avec des photos, des gommettes, des post-it, des émoticônes, les élèves font eux-mêmes imaginer le devenir de ce site en redéfinissant les différentes espaces et en leur attribuant une fonctionnalité.

NAV’ARTS2RUES 2019

Cette exposition est un exemple d’utilisation d’un site industriel désaffecté. Frédéric Grimaud, artiste photographe, propose à travers des photos, des objets, des vidéos de faire revivre le lieu et de montrer les vestiges du travail des ouvriers de cette fonderie.
• Exposition et installation visuelle et sonore sur les anciennes Usines de Navarre à Evreux, Eure, Normandie.
https://frederic-grimaud.com/archives-expo-usines/

• Réécoutez l’interview du 3 mai 2019 sur Principe Actif « Scène de vie, vie de scène »
https://frederic-grimaud.com/MP3/PA-Scenedevie-3mai2019.mp3

Sitographie

https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Normandie/Les-poles/Le-pole-patrimoines-et-architecture/La-conservation-regionale-des-monuments-historiques2

https://www.patrimoine-normand.com/blog-cat-patrimoine-industriel.html

La laïcité dans l’espace de Coutances

La laïcité : définition

J’ai distribué cette frise réalisée à partir de la Documentation Photographique. La définition de Zuber est la problématique du cours : pourquoi la laïcité est-elle fragile et pourtant omniprésente ? Avec les élèves, je fais la lecture de la frise. La soumission des catholiques avant que ceux-ci soumettent à leurs idées l’Empire Romain est un fait. La lutte entre pouvoir civil et pouvoir religieux est une constante. La frise s’arrête en 1905. La loi de séparation consacre une nouvelle ère remettant civil et religieux dans leurs sphères respectives. La frise est donc une occasion de dialoguer avec la classe pour repartir sur une conception de « longue durée » chère aux historiens.

La laïcité : un équilibre

Puis, je propose aux élèves un travail sur le nom des rues à Coutances. Quelles sont celles qui portent le nom d’un religieux ? Quelles sont celles qui portent le nom d’un civil ? Ce travail de cartographie permet de contextualiser le développement de la laïcité localement. L’histoire de Coutances s’inscrit dans celle de l’Eglise catholique. Le travail concret sur plan permet de le constater et de discuter de l’empreinte catholique à Coutances, sans y opposer la laïcité, mais en la définissant dans un cadre.

Espace chrétien ou civil à Coutances (Manche) ? La laïcité dans l’espace de Coutances. Activés élèves en dix points.

1. Ouverture du plan du centre-ville de Coutances de l’Office du Tourisme au format JPEG avec Inkscape. Enregistrer immédiatement en choisissant le format SVG.

2. Sélectionner l’outil "courbes de Bézier

3. Ouvrir une grille pour guider le tracé : « Affichage », puis « grille »

4. Tracer les limites de l’espace étudié en cliquant avec la souris (outils « Bézier » actif)

5. Ajuster le contour délimité à l’aide de l’outil « Bézier » et des carrés de la grille.

6. Délimiter avec l’outil « Bézier » les rues portant le nom de personnalités religieuses

7. Donner une couleur au fond de la zone délimitée. Normalement, une fois le tracé du contour terminé, une fenêtre « fond et contour » apparaît. Sinon, cliquer sur la flèche en haut à gauche Sélectionner la zone. Attention, la zone crée existe seulement et seulement si on revient au premier point créé et que l’on effectue un double-clic. Pour créer un point, il faut cliquer. Pour créer une droite, il faut deux points et donc deux clics.

Choisissez ensuite la nature du fond : soit un aplat, soit un dégradé.
Choisissez une couleur.

8. Délimiter les autres rues dont les noms correspondent à des personnalités religieuses. En cas de doute, vérifier sur internet (par exemple, Jeanne Paisnel, abbesse du Moyen Age). Certains noms sont inconnus d’Internet (Morin, qui a son nom accolé au nom « Tour » ou « Pertuis-Throuard »)

9. Faire une étape pour constater l’occupation de l’espace par des noms de personnalités religieuses. Pour cela, aller sur la flèche en haut à gauche et sélectionner l’image du plan puis la faire glisser.
A partir de cette étape, on peut déjà tirer quelques conclusions avec les élèves.

10. Opérez le même travail avec les noms civils des rues. Puis enlevez de nouveau l’image de départ.

Corrigé de l’enseignant sur l’espace laïc de Coutances

En projetant le fichier au tableau (avec Inkscape, il peut s’installer et démarrer depuis

un disque dur externe), on peut faire apparaître au fur et à mesure les rues. Pour ce faire, à chaque fois qu’une rue est délimitée, il faut cliquer en haut sur « calques ». A chaque fois qu’une rue est dessinée, il faut donc cliquer sur « calques ».
Ensuite, chaque calque devient apparent à la demande : soit on clique sur l’oeil et le calque (donc la rue) apparaît soit le calque disparaît. On peut ainsi montrer une partie des rues et pas l’autre.

Ensuite, il faut tirer des conclusions. Tout d’abord on constate l’imbrication des deux espaces. Puis, le fait que personne ne s’en soucie. Aucun athée ne refuse de marcher Rue de Montbray, illustre évêque de Coutances. Et aucun religieux ne craint de cheminer rue Gambetta, la première personnalité politique à énoncer clairement le besoin de séparation entre l’Etat et l’Eglise Catholique.

A l’occasion de cette activité, les questions ont été nombreuses : "Pourquoi n’y a-t-il que des noms de catholiques ?" "Les croix sont-elles légales dans les classes ?" "Pourquoi conserver le nom de rues de personnes mortes il y a plus de 500 ans ?"

Conclusion

Cette activité permet d’ouvrir la discussion avec les élèves sur les espaces religieux et civils et de rappeler l’histoire de France à travers ses rues. Il permet aussi de placer que la notion de laïcité (même si l’étymologie grecque permet une première approche en classe « laios » étant le peuple , à opposer à « clericos », les religieux) est relativement nouvelle dans l’histoire de France. Le mot en tant que tel n’apparaît qu’en 1882 sous la plume de Ferdinand Buisson1.

1 - Nous sommes partis, comme la plupart des peuples, d’un état de choses qui consistait essentiellement dans la confusion de tous les pouvoirs et de tous les domaines, dans la subordination de toutes les autorités a une autorité unique, celle de la religion. Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Eglise. La force des choses a de très bonne heure amené la sécularisation de l’armée, puis celle des fonctions administratives et civiles, puis celle de la justice. Toute société qui ne veut pas rester à l’état de théocratie pure est bientôt obligée de constituer comme forces distinctes de l’Eglise, sinon indépendantes et souveraines, les trois pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire. Mais la sécularisation n’est pas complète quand sur chacun de ces pouvoirs et sur tout l’ensemble de la vie publique et privée le clergé conserve un droit d’immixtion, de surveillance, de contrôle et de veto. Telle était précisément la situation de notre société jusqu’à la Déclaration des droits de l’homme. Article Laïcité, dictionnaire pédagogique, Ferdinand Buisson


Lettres


Itinéraire poétique du patrimoine normand

Des falaises de la côte d’Albâtre aux marais du Cotentin, en passant à travers champs et bocages, suivant les boucles de la Seine, partons ensemble en balade poétique revisiter la Normandie et son patrimoine si dense. La région est au cœur de la création poétique et inspire les plus grands à travers la poésie médiévale, la littérature du terroir ou encore le rap. Ainsi Barbey d’Aurevilly décrit la région comme étant d’« une poésie primitive et sauvage que la main et la herse de l’homme ont déchirée. Haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour sous le souffle de l’industrialisme moderne ». (L’ensorcelée)

Victor Hugo défenseur du patrimoine et amoureux de la Normandie

On connait les nombreux engagements de Victor Hugo, on lui connait une fougue, la passion lorsqu’il s’agit de défendre les causes qui lui sont chères. Engagé dans la défense du patrimoine, il se trouve à coté de Prosper Mérimée à la commission chargée de la conservation des monuments historiques. Chez Victor Hugo, la conscience patrimoniale est forte, et il y a chez lui une volonté de conserver la mémoire des monuments. C’est à 21 ans que Victor Hugo publie ses premiers écrits sur la défense du patrimoine, devenant ainsi un pionner dans cette lutte. En 1823 dans Odes et ballades le poème « La bande noire » est un vrai cri de colère contre la destruction du patrimoine. L’auteur réitère ses propos dans un pamphlet Guerre aux démolisseurs en 1832. Il y dénonce le vandalisme patrimonial.
C’est donc tout naturellement avec ce regard, celui de l’artiste et de l’homme engagé, critiquant sans fard la modernité, fléau du patrimoine, que Hugo décrit son voyage en Normandie, et son tour de la Manche. Le Mont saint Michel est source d’une fascination absolue chez le poète. Dans une lettre adressée à sa femme Adèle le 28 juin 1936, il dit de l’îlot rocheux « j’étais hier au Mont-Saint-Michel. Ici, il faudrait entasser les superlatifs d’admiration, comme les hommes ont entassé les édifices sur les rochers et comme la nature a entassé les rochers sur les édifices. (…) À l’extérieur, le Mont-Saint-Michel apparaît, de huit lieues en terre et de quinze en mer, comme une chose sublime, une pyramide merveilleuse dont chaque assise est un rocher énorme façonné par l’océan ou un haut habitacle sculpté par le moyen-âge, et ce bloc monstrueux a pour base, tantôt un désert de sable comme Chéops, tantôt la mer comme le Ténériffe. ».

Vue générale d’une ville au bord de la mer,
Victor Hugo

Mais Victor Hugo qualifie également le lieu comme « un crapaud dans un reliquaire »,

Hugo et la mer
Affiche du Scriptorial
Jean-Pierre Joblin

en effet, au XIXème siècle l’abbaye fait office de prison. C’est le contraste insoutenable qui révolte au plus au point le poète. Ce qui frappe encore plus Victor Hugo, si cela est possible ce sont les quatre bâtons noirs qui s’agitent au sommet du clocher. « Le télégraphe. Là où s’était posée une pensée du ciel, le misérable tortillement des affaires du monde. »
La visite de Victor Hugo au Mont Saint Michel, va lui inspirer le poème « Près d’Avranches » publié dans Les quatre vents de l’esprit, T.III , « Le livre lyrique sous-titré La Destinée ».

La nuit morne tombait sur la morne étendue.

Le vent du soir soufflait, et, d’une aile éperdue,
Faisait fuir, à travers les écueils de granit,
Quelques voiles au port, quelques oiseaux au nid.

Triste jusqu’à la mort, je contemplais le monde.
Oh ! que la mer est vaste et que l’âme est profonde !

Saint-Michel surgissait, seul sur les flots amers,
Chéops de l’occident, pyramide des mers.

Je songeais à l’Egypte aux plis infranchissables,
À la grande isolée éternelle des sables,
Noire tente des rois, ce tas d’ombres qui dort
Dans le camp immobile et sombre de la mort.

Hélas ! dans ces déserts, qu’emplit d’un souffle immense
Dieu, seul dans sa colère et seul dans sa clémence,
Ce que l’homme a dressé debout sur l’horizon,
Là-bas, c’est le sépulcre, ici, c’est la prison.

Victor Hugo, Les quatre vents de l’esprit, 1881.

C’est en 1884, que Victor Hugo s’oppose à l’édification de la digue-rive, et dans Actes et Paroles depuis l’exil, il souligne la nécessité de sauvegarder ce monument qu’il décrit comme l’œuvre conjointe de la nature et de l’art.

C’est le 24 juin 2019 que le département de la Manche met en place une route numérique et touristique : sur les pas de Victor Hugo. C’est sous la forme d’un parcours littéraire qu’un hommage à l’auteur est proposé. Neuf bornes explicatives prennent place sur le territoire, présentant ainsi le voyage de Victor Hugo datant de 1936.
https://www.manchetourisme.com/parcours-victor-hugo

La « Normandité » de Léopold Sédar Senghor

Le 20 décembre 2021 marquait les 20 ans de la mort de Léopold Sédar Senghor. Poète, écrivain, académicien et homme d’Etat français, premier Président de la république du Sénégal, il fut l’un des pères fondateurs de la Francophonie. Avec Aimé Césaire, il a aussi conceptualisé la négritude et la Normandité. C’est le 3 mai 1986 lors d’une conférence à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen que Senghor, Normand d’adoption, définit la Normandité. « Je dirai que la Normandité est, d’un mot, une symbiose entre les trois éléments majeurs, biologiques et culturels, qui composent la civilisation française : entre les apports pré-indo-européens, celtiques et germaniques. Mais je mets l’accent sur les apports des Nordiques. Pour me résumer, l’artiste normand, qu’il soit écrivain, peintre ou musicien, est un créateur intégral, avec l’accent mis sur la création elle-même. Comme le conseillait Flaubert, il faut « partir du réalisme pour aller jusqu’à la beauté ». C’est la démarche même de la poésie, dont le sens étymologique, fondamental, est la création de la beauté, aimait dire et rappeler Senghor. Selon le poète, cette poésie de la Normandité prend ces racines avec le lyrisme lucide de Breton ou d’Éluard. La Normandie a accompagné très jeune le poète, mais c’est auprès de son épouse Colette Hubert que la réelle influence normande va naitre. La poésie senghorienne s’imprègne de cette région qu’il affectionne particulièrement. Ainsi dans le poème « Élégies des alizées » (cf. extrait page suivante) on peut voir que Senghor rend hommage avec une grande liberté à la Normandie, son peuple et ses paysages.

Tes yeux vert et or comme ton pays, si frais au solstice de
juin.
Où es-tu donc, yeux de mes yeux, ma blonde, ma Normande, ma
conquérante ?
Chez ta mère à la douceur vermeille ? - j’ai prisé votre
charme ô femme ! sur le versant de l’âge –
Chez ta mère à la vigne vierge, avec le rouge-gorge
domestique, les merles et mésanges dans les
framboises ?
Ou chez la mère de ta mère au chef de neige sous les
Ancêtres poudrés de lys
Pour retourner au Royaume d’Enfance ?
Te voilà perdue à me retrouver au labyrinthe des
pervenches, sur la montagne merveilleuse des
primevères.
Ne prête pas l’oreille aux lycaons ! Ils hurlent sous la
lune, férocement forçant les daims du rêve.
Mais chante sur mon absence tes yeux de brise alizés, et que
l’Absente soit présence. »
Léopold Sédar SENGHOR, Élégies majeures, Le Seuil, 1979.

L’ancrage de Senghor en Normandie est essentiel pour comprendre l’ensemble de son œuvre et sa volonté de ne pas distinguer les peuples, il les rassemble au sein d’une civilisation de l’universel pour laquelle il n’y a pas de territoires, juste un monde partagé.

Et pourquoi pas de la poésie normande dans nos classes ?

C’est à Val de Reuil, dans l’Eure que se niche une maison de la poésie en Normandie.

Cette association porte le nom de La Factorie, elle a vu le jour en 2015 et a pour objectif de faire rayonner la poésie en Normandie. Vingt-huit poètes sont en résidence d’écriture pour l’année 2021-2022.
C’est sous la tutelle de Marie Gautier, médiatrice culturelle à La Factorie que se constitue actuellement poétothèque sonore (en partenariat avec la DRAC) qui réunira sur une même plateforme une anthologie de la poésie normande, du Moyen-Âge à nos jours. Un important corpus de textes – évolutif au fil des années – sera ainsi mis en voix : des capsules audio contenant les textes en langue originale, leur traduction (lorsque nécessaire) et leur contextualisation seront ainsi créées et rendues accessibles sur le site. Afin de composer un fonds à la fois complet, pertinent et qualitatif, ils ont fait appel à des enseignants-chercheurs dans la réalisation de ce programme. Au-delà de leurs lumières précieuses, certains ont également proposé de faire travailler leurs étudiants sur des textes (autour de la linguistique et de la traduction) afin d’utiliser le projet comme outil pédagogique. Pour Marie Gautier l’un des enjeux majeurs est « de fédérer un grand nombre d’acteurs sur l’élaboration de cette anthologie sonore. » Concernant la mise en voix : des universitaires, linguistes, poètes et comédiens seront sollicités afin d’offrir une lecture la plus qualitative possible.
De nombreux projets y prennent vie : ateliers d’écriture, concours de slam, les facteurs poètes, ou encore les vidéo-poèmes, l’organisation du printemps des poètes. La maison de la poésie a pour vocation de rendre accessible et ludique la poésie contemporaine.
Mais c’est également hors des murs que des jumelages et interventions peuvent être organisés avec nos classes de premières (Créer et fabriquer : l’invention et l’imaginaire) ou avec nos classes de CAP (Rêver, imaginer, créer). En janvier 2022 avait lieu la 4ème édition « Des poètes n’hibernent pas » où des poètes se déplaçaient dans les établissements partenaires. Nos élèves, grâce à ces nombreux projets peuvent ainsi s’imprégner et s’approprier la poésie. Dans le cadre du prix CoPo des lycéens, des classes sont invitées à lire des recueils de poésie contemporaine et de faire leur propre choix afin d’élire leur poète favori. La participation à ce prix permet de sensibiliser davantage d’élèves à la poésie et de rendre acteur l’élève dans sa lecture. Mais tous ces projets permettent également de faire vivre la poésie dans nos établissements.

Bibliographie :
• « Victor Hugo en colère. Contre les démolisseurs, pour le patrimoine : le premier plaidoyer pour Notre-Dame et la sauvegarde des monuments », Editions de la Revue des Deux Mondes
• La Normandité, L.S. Senghor edition Lurlure.
• La Normandité. In : Études Normandes, 35e année, n°2, 1986. Léopold S. Senghor et la Normandie - L’Université dans sa région - André Marie. pp. 4-13.
• Riverains des falaises - Une anthologie des poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours, Christophe Dauphin
Sitographie :
https://www.monuments-nationaux.fr/Victor-Hugo-amoureux-du-patrimoine
https://www.manchetourisme.com/parcours-victor-hugo
https://www.cercle-richelieu-senghor.org/la-normandite-materiau-de-la-civilisation-de-luniversel/
https://www.factorie.fr

La Normandie, terre et mer de tournage !

Selon Charles-Edouard Houllier-Guibert et Gérald Orange respectivement enseignant chercheur et professeur honoraire des universités de Rouen Normandie, ce sont presque 670 films qui ont pour décor la Normandie depuis 1910. Cette terre de cinéma a autant favorisé l’éclosion d’artistes - de Bourvil à Karin Viard en passant par Ariane Doublet - que la diffusion de la culture cinématographique grâce notamment à l’invention de la filière audiovisuelle bac et postbac !
Il est assez facile de comprendre qu’une région soit terre de cinéma : les espaces urbains, les espaces industriels ou les espaces moins bâtis présentent beaucoup d’atouts pour le réalisateur. La Normandie possède de quoi en satisfaire de nombreux. De la fontaine rouennaise Sainte-Marie en haut de la rue Paul Ricard filmée dans le film Le Goût des autres d’Agnès Jaoui à l’Abbaye aux Hommes, célèbre édifice caennais, dans les premières scènes de Valmont de Milos Forman en passant par Evreux avec Jean-Paul Belmondo se rendant à l’Hôtel de la Biche sous la direction de Louis Malle dans le Voleur en 1967, les exemples à citer sont nombreux.
Mais ce qui attire aussi les réalisateurs en Normandie, c’est la mer. A l’instar des peintres du XIXe, l’œil est conquis par la lumière alors que l’imagination rêve d’horizons lointains. La carte des tournages confirme l’attractivité du littoral normand où l’on retrouve des atouts déjà cités ainsi que tout ce que peu apporter la mer, aussi bien dans le fantasme que dans un réel bien ancré dans des problématiques actuelles : Migrations des hommes ou commerce mondialisé par exemple.
Le film de Lucas Belvaux, 38 témoins, tourné au Havre et sorti en 2012 a pour toile de

fond la mondialisation et le transport de marchandises. Sous le regard du réalisateur la ville du Havre se transforme en écrin silencieux pour un horrible meurtre que beaucoup ont vu mais que l’on tait face à une police et une journaliste en peine de confidences. Le film ancré dans le territoire normand présente de nombreux intérêts à son étude en lycée professionnel.
Tout d’abord, on pense à la géographie et au programme de seconde quand il permet d’aborder le thème des réseaux de production et d’échanges mondialisés. De nombreuses séquences du film montrent le fonctionnement du port du Havre, le pilotage des porte-conteneurs, la manipulation des conteneurs. L’œil du réalisateur servant le propos du film, il conviendrait de regarder ces scènes après l’étude du thème de géographie afin de comprendre ce que le cinéma apporte à la réalité, une critique froide de la lâcheté des Hommes à l’image d’un port automatisé et robotique.
On pense ensuite à la parole. Un peu en marge de la découverte de l’éloquence que propose le thème « dire et se faire entendre », la place de la parole est essentielle dans ce film. - Ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas, la confession ou le silence -. Le récit d’un homme rompant le pacte du silence de 37 témoins muets va arriver à l’oreille de la journaliste et donner l’occasion au professeur de faire un lien avec une autres partie du programme de Seconde : s’informer, informer : les circuits de l’information. Ainsi, la quasi-totalité des finalités du thème sont abordées dans le film : la vérification des sources ou la diffusion de l’information de manière responsable. On pourrait aussi ajouter l’impact de l’information sur les instances judiciaires.
Une dernière dimension pourrait être abordée en classe, celle de la mythologie. La séquence d’ouverture montre un énorme porte-conteneur fendant la mer en direction du Havre. C’est le destin qui avance sans aucune possibilité d’éviter la tragédie. Mais le bateau est baptisé Andromède…On s’attend alors à voir Persée à l’œuvre. Il faudra attendre presque une heure de film pour voir un homme endosser ce rôle. Pierre Morvand pilote et témoin d’abord silencieux du meurtre prendra le destin en main en parlant. Il coupera ainsi la tête de la Gorgone Méduse qui empêche les autres témoins d’agir. Plus tôt dans le film, on aura vu Pierre Morvand piloter Andromède à l’approche du port du Havre.
Pour conclure, on peut dire que la terre et la mer en Normandie sont étrangement liées au point d’être des éléments essentiels sans lesquels les films seraient différents. Plus que de simples décors, on peut se demander si ce ne sont pas des personnages à part entière !

Utilisation du film 38 témoins en classe :

GÉOGRAPHIE - Des réseaux de production et d’échanges mondiaux

Le film permet de montrer la mécanique du port du Havre. On pourra faire relever aux élèves ce qu’apporte le cinéma par rapport aux documents vus en classe. Quel regard porte le réalisateur sur ces rouages ? Quelle est la place des hommes et des femmes ?

FRANÇAIS - Dire et se faire entendre

Les témoins se taisent ou mentent sur le déroulement des évènements de la nuit du crime. Comment est-ce mis en scène ici ?

Après le témoignage de Pierre Morvand, les témoins se trouvent dans l’obligation de parler.
Quelles sont les différences de mise en scène qui montrent que la stratégie change ?

Les deux images suivantes sont prises à deux moments différents du film. Tout comme dans le premier exemple la mise en scène renforce les propos tenus à ces moments précis.
Pour aborder le thème de la parole, faire relever les différences est une porte d’entrée intéressante !

Accompagnement PERSONNALISÉ- le mot « PIERRE »

Un silence de pierre entoure les témoins du crime de la rue de Paris. Les habitants auraient-ils un cœur de pierre ? Ne pas appeler les secours et se taire ! Très vite cela deviendra un caillou dans leurs chaussures  ! Mais quelqu’un jettera une pierre dans leur jardin et cette personne c’est Pierre !
Pierre, c’est le prénom du personnage principal. Morvand, son nom de famille, quant à lui peut faire référence à la région française de basse montagne, charnière du climat océanique et continental. Pierre en tant que pilote est aussi une pierre angulaire entre la haute mer et la terre, le port et la ville. La pierre c’est encore les bâtiments, les habitations, l’architecture si reconnaissable du Havre. Enfin, Persée tuera la Gorgone Méduse, celle qui pétrifie ceux qui osent défier son regard….

FRANÇAIS - S’informer, informer : les circuits de l’information

Si ce film a une résonnance forte sur les spectateurs, c’est qu’il est tiré d’un fait divers, d’une affaire survenue à New-York en 1964. Mais il existe des zones d’ombre dans l’enquête des journalistes.
Pourquoi ne pas lancer les élèves sur l’histoire qui a inspiré le film, 38 témoins ?
On pourra commencer par la visite de ce site et télécharger un pdf :
https://www.grignoux.be/dossiers/288/trente_huit_temoins

extrait du dossier

FRANÇAIS – Les références mythologiques

 Pierre Morvand va piloter le porte-conteneur ANDROMEDA comme Persée dans la mythologie s’occupera d’Andromède.


 Le port et ses nombreux conteneurs forment une sorte de labyrinthe dans lequel Pierre et son épouse se perdront.


 Tout comme Persée possède des attributs, Pierre Morvand revêt son uniforme de pilote pour aller témoigner et rompre le silence des 37 témoins

Bibliographie
• Etudes Normandes n°16, décembre-février 2020/2021

• La grammaire du cinéma, Yannick Vallet, Armand Colin, 2019.

Sitographie
https://www.normandieimages.fr/
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2012/03/13/38-temoins-enquete-sur-un-silence-assassin_1666953_3476.html (Analyse du film)
https://www.scienceshumaines.com/38-temoins-un-mythe-scientifique_fr_28676.html
(Remise en question des conclusions psychologiques de l’affaire Kitty Genovese)


Interdisciplinaire


Le patrimoine littéraire normand : #Flaubert21

Objectifs

  • Faire participer les élèves à un évènement culturel important du territoire, la célébration du bicentenaire de la naissance d’un auteur normand majeur, Gustave Flaubert.
  • Favoriser l’appropriation, grâce au numérique, d’un texte littéraire évoquant "l’espace vécu" des élèves : "Un Coeur simple".
  • Faire collaborer les élèves à la création d’une ressource numérique.
  • Enrichir collectivement la lecture de la nouvelle.
  • Rechercher et se documenter à partir des ressources culturelles de proximité du territoire normand, sur le terrain ou en ligne.
  • Se réapproprier la nouvelle et l’adapter en BD.

Parcours interdisciplinaire

Quel peut être le destin d’une petite servante dans la campagne normande du XIXe

siècle ? Les élèves mènent une enquête littéraire, historique, sociale et géographique, sur les traces de Félicité à Pont-L’Evêque.

Lettres :
  • "Créer, fabriquer, l’invention de l’imaginaire" en 1e Bac professionnel : s’interroger sur les processus de la création artistique à partir des carnets de notes et manuscrits de Flaubert proposés sur Gallica BnF.
  • « Rêver, imaginer, créer » en CAP.
  • "Lire et suivre un personnage : itinéraires romanesques" en 1e Bac pro : une vie minuscule, celle de Félicité, fille de campagne dévote et dévouée qui finit par reporter son trop plein d’amour sur un perroquet.
  • La lecture grande cause nationale, le Quart d’heure lecture.
Histoire :
  • "Hommes et femmes au travail au XIXème siècle " dans la région de Pont-l’Evêque : ce que le conte révèle des réseaux de personnages, des rapports sociaux et de la géographie sociale de la ville de Pont-L’Evêque : bourgeois, domestiques, serviteurs de l’Eglise, paysans, petits métiers, marins, pêcheurs et marginaux… Le parcours de Félicité, une aliénation par le travail ?
Géographie :
  • "La recomposition du territoire urbain en France" : prémices de la recomposition du territoire normand au XIXème siècle, rapports ville / campagne ; tourisme / littoral normand.
EMC :
  • "Égaux et fraternels"
Co-intervention :
  • Arts appliqués & résidence d’auteur : adaptation et création de la bande-dessinée.
Glose education, une application de lecture
  • 1500 œuvres patrimoniales libres de droit, dont celles de Flaubert.
  • Attractivité de la lecture pour les petits-lecteurs : les paramètres permettent d’améliorer le confort de lecture sur l’écran, changer la couleur du fond d’écran, modifier la police et la taille des caractères, opter pour la police dyslexique par exemple, la version audio du texte ou sa traduction en une multitude de langues (élèves allophones)…
  • Annotation et commentaire du texte par les élèves.
  • Construction du sens et élaboration de l’interprétation centrées sur les échanges, débats au sein d’un cercle de lecture
  • Priorité à la réception des textes, édition subjective, faire émerger le sujet-lecteur.
  • Suivi de l’élève par le professeur.
  • Outils de mesure de l’investissement des élèves dans la lecture.
  • Ajustements par écrit ou audio pour approfondir.
  • Création d’une édition enrichie : recherche de documents complémentaires (liens).
  • Réécritures individuelle et collaborative : s’approprier une œuvre.
Flaubert géographe : les outils de cartographie

Afin d’inscrire l’œuvre dans un contexte sensible, l’espace vécu des élèves, l’espace vécu de Flaubert et celui de la servante Félicité.
Il peut paraître incongru de proposer un rapprochement entre le texte de Flaubert et nos programmes de géographie. Flaubert, qualifié d’écrivain normand a beaucoup voyagé dans les lieux qu’il évoque. On ne peut ignorer la précision des lieux dans « Un Cœur simple » (Le Pays d’Auge, Pont-L’Evêque, Trouville, Honfleur, soit un triangle, univers clos de 15 km de côté) ; de même dans « Bouvard et Pécuchet » (entre Falaise et Caen) ou dans « Madame Bovary » (Rouen, le pays de Caux,), mais où situer la fictive Yonville ?

  • Avec l’application de cartographie narrative open source Umap,
    il est possible de créer des cartes interactives, en associant aux lieux identifiés des annotations, pour préciser par exemple l’importance des lieux et à quelles occasions Félicité s’y rend. C’est une narration cartographique, la carte devient un outil d’accompagnement de la lecture.
    L’outil de recherche permet de situer précisément une ville ou une rue. Les élèves réalisent que la vie simple de Félicité tient dans un espace très confiné.
  • Géographie sensible dans les lieux du conte
    Pour permettre aux élèves de reproduire physiquement le parcours de Félicité à travers la ville Pont-L’Evêque et ses environs : jusqu’à sa mort, la maison de sa patronne (reconstituée fidèlement) est le lieu central de sa vie qu’elle ne quitte que pour de petits déplacements les jours de marché ou de culte, et plus rarement, pour des promenades dans le « pays », dans les fermes de sa maîtresse, ou au bord de la mer.
    Les élèves prennent des photographies de ses trajets habituels dans la ville et la campagne d’aujourd’hui (lieux localisés sur l’application de cartographie), puis les confrontent à des représentations d’époque, notamment à des cartes, photographies des mêmes lieux au XIXe siècle.
  • Avec l’offre IGN Édugéo d’Eduthèque,
    Les élèves ont pu remonter le temps avec les cartes aériennes de l’IGN, afin d’observer l’évolution du territoire : urbanisation, modification des espaces naturels, aménagement des zones littorales au tourisme naissant à Trouville et Deauville, évolution des voies de communication (réseaux routier et ferroviaire…) qui transforment le Pays d’Auge au XIXe siècle et favorisent l’arrivée des Parisiens, ce que déplore Flaubert !
Les collections en ligne des musées de Normandie : un outil de diffusion

culturelle proposé par la Fabrique de patrimoines en Normandie

Plus de 77 000 objets et œuvres issus des collections des musées normands sont accessibles à nos élèves de chez eux ou de leur établissement. En effet, 63 structures, membres du Réseau des musées de Normandie, ont décidé de mettre en ligne leurs collections dans un désir de diffusion et de partage des données. Elles sont accessibles à l’adresse https://collections.musees-normandie.fr. Puissant moteur de recherche, jeux, galeries thématiques, participation à l’identification d’œuvres et objets sont à portée de clics de nos élèves : ressources iconographiques, documentaires, pédagogiques, sur le patrimoine culturel de proximité. L’outil facilite les réutilisations légales de ce patrimoine commun et s’inscrit dans une dynamique d’utilisation et de partage à des fins non-commerciales pour les objets et les photographies. Il est ensuite possible de créer une galerie, éditorialiser un parcours, ajouter en regard des œuvres un texte de commentaire ou d’analyse.
La création de listes d’objets ou de galeries, par les élèves, qui font écho aux passages de « Un Cœur simple » permet une confrontation à leurs représentations de la ville actuelle afin de créer une édition enrichie, via des hyperliens, des images, des définitions ou des vidéos.

L’adaptation en BD

Tout en conservant l’âme du livre originel, le dessin permet aux élèves de transmettre le message de l’écrivain d’une autre manière. Le détour par la bande-dessinée peut rejaillir sur la lecture du texte littéraire. Le processus d’adaptation, en redéfinissant la frontière entre lecteur et auteur, favorise chez les élèves un recul réflexif sur les stratégies narratives.
Deux cents ans après la naissance de Flaubert, la question se posait de savoir si les élèves avaient quelque chose à dire sur « l’écrivain normand » en général, sur son rapport à la Normandie et sur cette vie confinée en particulier, celle de Félicité, sur des lieux proches de leur lycée, et en quoi son œuvre constituait pour eux un patrimoine commun.

Sitographie
mars 2023 :

Rien pour ce mois

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